Cette itinérance a vu le jour il y a un an, grâce au soutien de plusieurs membres du Groupe Excelia et de son école de tourisme (Merci Marie-Noëlle, Marie et Pascal d’avoir cru en ce projet). L’idée était simple, emmener des étudiants vivre une itinérance de 3 jours à vélo pour expérimenter ce qu’on appelle le « slow tourisme » en liant 3 éléments fondamentaux pour moi à savoir :
- Le coeur : en se connectant à ses émotions, à ce qui nous fait vibrer (ou pas) et en vivant avec 20 personnes pendant 3 jours
- L’esprit : en découvrant des projets qui prennent en compte les enjeux écologiques et sociaux, en rencontrant les gens qui font et qui proposent d’autres manières de voir le tourisme
- Le corps : en étant son propre moteur pour se déplacer et en découvrant ses capacités physiques
Pour comprendre ce qu’est le cyclotourisme, le slow tourism et toutes ces autres manières de voyager différemment, il n’y a pas 36 solutions, il faut le VIVRE dans son corps, dans ses tripes !
Le vivre ça veut dire rouler plusieurs dizaines de kilomètres par jour (quasiment 130 km sur 3 jours), parler avec des personnes qui font un pas de côté et expérimentent d’autres manières de faire et s’organiser pour vivre en collectivité pendant 3 jours dans des conditions parfois inconfortables (la pluie, le vent, le manque de sommeil, la fatigue etc.).
En avril dernier, quand j’ai rencontré les étudiants pour la première fois et que je leur ai parlé de cette itinérance, je dois vous avouer que j’en menais pas large, surtout quand sur leurs visages je pouvais lire leurs peurs et leurs craintes. Au fond de moi j‘étais intimement convaincue que vivre à vélo pendant 3 jours était la meilleure manière de sortir des préjugés comme « je n’y arriverai jamais », « on va s’embêter à vélo », « je ne suis pas intéressé par ces sujets ».
Au fur et à mesure des semaines, les étudiants ont contribué à la construction de l’itinérance car il était important qu’ils participent et deviennent acteurs de ce projet. Leur donner un rôle était aussi l’occasion pour eux d’appréhender les contraintes de ce type de voyage et de prendre la mesure de ce que nous allions vivre.
Après plusieurs semaines à préparer l’itinérance, on s’est retrouvé mardi 7 juin pour vivre 3 jours incroyables autant pour eux que pour moi….
Carnet d’itinérance
Mardi 7 juin 2022, après avoir passé une journée dans le train et une nuit en camping, je retrouve les étudiants sur le quai de la gare de St Pierre des Corps, je suis tendue, je sais que pour un certain nombre ce projet n’est pas confortable et s’ils avaient pu choisir ils ne seraient pas là.
Malgré un départ à 5h35, je les retrouve tous sourires et je sens la bonne énergie du groupe, voilà de quoi me rassurer.
Première étape de cette itinérance Blois, où nous récupérons nos fidèles destriers auprès de l’entreprise Les Vélos Verts. Après un temps d’échanges avec plusieurs personnes de la structure pour comprendre leurs métiers, c’est l’heure de préparer ses valises… Comment faire tenir une valise dans 2 petites sacoches ? Un exercice simple et efficace pour se concentrer sur l’essentiel et laisser de côté le superflux.
Les vélos sont prêts, il est temps de donner les premiers coups de pédales. A ma grande surprise le cortège se lance sans encombre dans les rues de Blois avant de trouver les bords de Loire qui vont nous accompagner pour les 15 premiers kilomètres.
Après une pause bien méritée (quoi qu’un peu courte), direction le château de Chambord pour visiter l’un des monuments phare du patrimoine français. Le soleil est avec nous et joue à cache cache avec les nuages. La bonne ambiance est de rigueur et la splendeur du lieu re-motive quand la fatigue se fait sentir. Boris une personne du service communication de la Région Centre Val de Loire est là pour immortaliser le moment et prendre la température auprès des étudiants.
Après ce passage incontournable, direction Bracieux pour notre première nuitée au camping Les Châteaux du réseau Huttopia. Je suis bluffée par l’organisation qui commence à se mettre en place, Lou et Annabelle prennent les rênes en tête du peloton pour ouvrir la route et sont suivies par de nombreuses personnes qui me disaient ne pas pouvoir faire autant de kilomètres… La magie du groupe commence à opérer, quel bonheur de voir ça.
Après une bonne journée dans les pattes, il est l’heure de la douche, ce moment précieux qui délasse et fait oublier les moments difficiles de la journée car il y en a eu. Pour Axelle et Hoa, il est grand temps d’arriver, cette première étape a permis de prendre la mesure du défi physique auquel nous étions confrontés.
Ce soir au camping on est accueilli par Laurine et Nicolas qui nous parlent avec passion de leurs rôles de chef.fe du camping, de l’esprit Huttopia et des valeurs qu’ils portent. Pour moi cette itinérance c’est avant tout la bonne excuse pour explorer des pratiques que les étudiants ne connaissaient pas forcément. Pour un bon nombre c’est la première fois qu’ils dorment dans des tentes campeurs.
En cette fin de journée, j’ai besoin de sentir l’état d’esprit des étudiants pour tenter de m’adapter et d’adapter l’itinérance. Ce premier cercle de partage restera pour moi le moment le plus émouvant. Les entendre parler et partager leurs enthousiasmes sur cette journée malgré la fatigue fut le plus beau cadeau de ces 3 jours (même si tout le séjour fut un cadeau). La pression peu enfin tomber et c’est émue (merci Viet pour le mouchoir), que je partage à mon tour mes émotions et les peurs que je pouvais avoir la veille.
C’est le coeur léger et les jambes lourdes que tout le monde retrouve sa tente pour la nuit.
Mercredi 8 juin, il est 6h et la pluie est intense, une dépression traverse la France d’Ouest en Est et Bracieux est au coeur des tumultes. Heureusement l’image radar de météo France indique que le plus gros est passé et qu’après 9h30 nous ne devrions plus avoir besoin de composer avec la pluie.
L’équipe petit déjeuner affronte la pluie pour accomplir son devoir, bravo à Maëva, Manon et Adelyne pour braver les intempéries et assurer à tout le monde un début de journée agréable !
La pluie n’invite pas les étudiants à se lever, la montre tourne et aujourd’hui la route est longue, puisque nous devons rejoindre Nazelles-Négron, près d’Amboise. Au programme, 60 km avec une halte à Candé sur Beuvron pour rencontrer Adeline Moreau chargée de mission filière vélo et itinérance douce pour la Région Centre Val de Loire et l’objectif d’arriver avant 16h30 pour parler éco-tourisme avec Grégoire de Eco-tourisme Val de Loire.
Avant de remonter sur nos fidèles destriers, on prend un temps pour se parler, pour que chacun.e puisse dire où il.elle en est et comment il.elle se sent. Les craintes, les peurs se mélangent à l’envie et la confiance de pouvoir le faire.
Ce matin nous avons également la livraison de 2 vélos à assistance électrique par Les Vélos Verts. Au début du projet j’ai mis un point d’honneur à faire le trajet en vélo mécanique, en me disant que c’était la meilleure manière de faire corps avec cette itinérance. L’expérience du premier jour m’a amené à ajuster cette position pour permettre à tout le monde de passer un bon séjour. Il est 10h et on a pris 30 minutes de retard ce qui rajoute un peu de pression à une journée déjà bien chargée !
Les petits pépins physiques arrivent avec la fatigue et les kilomètres, un passage à la pharmacie s’impose pour soulager l’oreille de Chiara et le genou d’Emma.
Le vent se rajoute à la longue liste des difficultés à affronter pour cette journée.
On arrive tout pile à 12h00 avec 30 minutes de retard sur le planning, tout le monde a faim et je sens le groupe en énergie basse que ce soit individuellement et collectivement. La pause déjeuner fait du bien avant d’échanger avec Adeline qui nous présente les différents dispositifs de la région dans le cadre du plan Loire 2030.
Pas le temps de tergiverser, il est bientôt l’heure de reprendre la route. Je sais que je demande beaucoup aux étudiants, je comprends que j’ai un peu trop chargé le planning au détriment de moments de pauses.
C’est dans ces instants que la puissance du collectif peut permettre de braver toutes les difficultés. Lou me demande si on ne peut pas scinder le groupe en 2 pour permettre à chacun.e d’aller à son rythme. A ce moment là je comprends que les différences de vitesses posent problèmes et que Loïc, Salomé, Annabelle, Maéva, Viet, Kshitij, Nina, Anthony et Adelyne ont envie de rouler un peu plus vite.
Alors que Margot, Emma, Manon, Charlotte, Chiara, Hoa, Capucine, Marie-Sophie et Axelle ont besoin d’y aller plus cool.
On adapte et on divise le groupe en 2, je laisse le premier groupe partir devant en autonomie avec Maxime qui fait partie de l’équipe communication d’Excelia Group pour chapoter l’échappée. J’ai confiance en leurs capacités à y arriver toujours poussé par les infatigables Annabelle et son accolite Lou, suivies de près parle le reste de l’équipe.
Quand à moi je quitte mon poste de vélo balai pour prendre la casquette de chef de file.
Et ça marche ! Tout le monde reprend plaisir à rouler à son rythme. Dans mon groupe on essaye de rouler serrer pour réduire la prise au vent. Margaux me suit en deuxième position, elle qui ce matin exprimait ses peurs pour la journée, me dit « je trouve ça super de faire du vélo et de voir les paysages différemment ». Ca m’a donné une énergie folle ! Ces mots résonnent en moi, car c’est une des (nombreuses) raisons qui me font aimer le vélo, celles de découvrir et de vivre les territoires d’une autre manière, plus lente qui amène à voir des détails qu’on ne verrait pas autrement.
La fatigue se fait de plus en plus sentir, on approche d’Amboise et les derniers kilomètres deviennent de plus en plus difficiles. La motivation commence à s’effacer, chacun.e doit aller puiser dans ses ressources physiques et mentales pour trouver l’énergie de continuer. Personne ne baisse les bras, tout le monde reste dans le tempo et l’entraide est de rigueur.
En arrivant au pied du château d’Amboise, on sait qu’on a fait le plus dur, encore 15 minutes et on arrive au camping.
Le groupe de tête est déjà à la gare pour dire au revoir à Maxime qui repart à La Rochelle et accueillir son remplaçant Sebastien qui mène un projet entrepreneurial avec le soutien d’Excelia.
Arrivés au camping on retrouve Grégoire, il nous a prévu une balade sensorielle dans les coteaux. A peine le temps de poser les affaires, on repart avec lui à la découverte du paysage Tourangeau. La fatigue se fait sentir mais tout le monde s’accroche grâce à l’énergie et la passion de Grégoire pour son territoire et son métier.
1h30 plus tard retour au camping, un petit groupe reste discuter avec Grégoire quand la majorité à bout de force file à la douche.
Ce soir on dort dans le camping les Patis où Jean-Yves a créé le concept de Wild Bed. Il nous parle de sa reconversion professionnelle, de la manière dont il organise la vie du camping et du lien avec la nature qu’il souhaite développer.
21h45, la pluie pointe le bout de son nez, ça tombe bien car il est grand temps de clamer l’extinction des feux après une journée riche et dense.
Jeudi 9 juin, après une nuit pluvieuse, le réveil se fait sous le soleil, ce matin tout le monde est à l’heure, la fatigue est là mais les sourires et la bonne ambiance effacent les difficultés de la veille.
Le petit déjeuner au soleil est aussi le moment de prendre la température du groupe de connaître l’état d’esprit. Ce matin Nina ne pourra pas repartir à vélo, la douleur est trop forte et elle a décidé de prendre la direction du retour.
Pour le reste du groupe, on fait avec les petits bobos, les coups de soleil et la fatigue.
Ce matin le tour de parole est riche et le partage de Viet me marque tout particulièrement, lui qui au début ne pensait pas venir.
Et on reprend la route, toujours en deux groupes pour attaquer la dernière ligne droite qui nous mène à Tours, avec sur la route une étape dans un domaine viticole, un secteur d’activité important pour la région que ce soit au niveau agricole ou touristique. En cherchant un lieu qui avait des pratiques responsables et qui expérimentait de nouvelles manières de faire, je suis tombée sur le Château Gaudrelle à Rochecorbon. Conscient des enjeux écologiques depuis un certains nombre d’années, le domaine est entré en conversion en agriculture biologique en 2017 et se tourne désormais vers la Biodynamie. Nous avons le plaisir de rencontrer le fondateur, Eric Pasquier qui nous a parlé avec passion de son métier, des évolutions que lui et son équipe sont en train de vivre et aussi des évolutions climatiques qui rendent son métier de plus en plus difficile. Rencontrer Eric c’était pour moi la manière la plus tangible de permettre aux étudiants de comprendre les enjeux de l’agriculture de demain en terme de pratique ainsi que les risques liés au changement climatique. Après 2h d’échanges, il est temps de lever le camp pour s’octroyer une pause le long de la Loire et profiter une dernière fois des paysages somptueux de ce fleuve majestueux.
Derniers coups de pédales tous ensemble pour rallier Tours, escortés par Arsène qui comme Boris travail au service communication de la Région Centre Val de Loire.
Un dernier arrêt sur l’île Simon, pour faire le bilan personnel et collectif de cette expérience hors du commun. Afin que les étudiants soient pleinement dans l’exercice, Sébastien nous offre un moment de centrage pour se re-connecter à soi à son corps.
Je pose ensuite 2 questions aux étudiants « Qu’avez vous appris sur vous-même ? Et comment ce voyage peut vous aider professionnellement ? ». Un moment en solo puis en duo pour prendre du recul sur ces 3 jours hors du temps.
Pour terminer cette itinérance je leur demande à chacun.e de partager une pépite, la chose qu’ils retiendront, un caillou dans la chaussure, c’est à dire la chose la plus difficile ou la moins confortable et enfin comment ils se sentent maintenant après avoir parcouru ces 130 km. Je retiens de ce moment les mots d’Emma, tellement fière d’avoir réussi les 65 km de mercredi, Kshitji et son envie de rentrer à La Rochelle en vélo, Manon, Margot avec leurs tristesses de voir la fin de ce périple et Salomé, étudiante néerlandaise qui se sent enfin faire partie du groupe. L’une des pépites qui ressort le plus c’est le collectif, cette dynamique humaine qui prend enfin forme après 2 ans ensemble dans un contexte difficile avec le covid et ses cours à distance.
Ma pépite à moi c’est le premier soir et ce tour de cercle qui m’ont émue. Quand à mon caillou, il est assez personnel puisqu’il s’agit de la place du téléphone dans nos espaces communs, surement une question de génération et d’habitude, un sujet à traiter pour une prochaine fois (peut-être).
Après ce temps fort en émotion, on improvise un jeu le fameux tomate-ketchup, un retour en enfance avec à la clé des rires et des dérapages.
Il est l’heure de monter une dernière fois sur le vélo même si nos fessiers nous disent l’inverse, pour profiter de ces 2 derniers kilomètres en direction de the Hostel People, dernière étape de cette itinérance.
On range les vélos, on défait les sacoches, on retrouve tous les objets qui n’ont pas trouvé leurs places pendant ces 3 jours. Choisir the hostel, c’était aussi donner à voir une autre forme d’hébergement en ville, un lieu à mi-chemin entre l’hôtel, l’auberge de jeunesse et par quelques aspects un tiers-lieu. C’est Sebastien Drouet, le directeur de l’établissement qui nous rejoint pour nous parler du concept, de la particularité de cette chaîne, des valeurs et des métiers qui l’a font vivre. Un témoignage qui nous amène à penser l’hébergement de demain qui ne sera plus q’un lobby sans âme.
Il est 18h pour la première fois depuis le début de ce séjour, on s’octroie 1h30 de temps libre avant le dîner, un moment pour se poser, se re-connecter à la vie normale, aux pré-occupations du quotidien.
Un dernier repas tous ensemble, pour discuter, partager, des moments tellement importants dans ce monde où pour nous occidentaux, le temps devient la ressource la plus précieuse et rare.
Durant ces 3 jours j’ai tellement appris des gens que nous avons rencontrés et surtout des étudiants, de leurs capacités à explorer leurs limites, à faire groupe malgré les différences, la fatigue, la pluie, les douleurs.
Ce projet ne me laissera pas indemne, j’y ai passé du temps, j’y ai mis toute mon énergie, mais à la fin quelle joie d’avoir orchestré et manigancé cette opération.
Pour les étudiants, je ne sais pas ce qu’il restera de ce séjour dans 2 mois, 6 mois, 3 ans, mais une chose est certaine il restera à jamais gravé dans ma mémoire et dans mon corps.
Merci à eux pour ce qu’on a vécu qui sera a jamais ancré dans mon coeur :
Adelyne, Anthony, Annabelle, Lou, Maéva, Hoa, Salomé, Viet, Kshitij, Nnina, Manon, Emma, Margot, Marie Sophie, Loïc, Coline, Axelle, Charlotte, Cappucine, Chiarra.
Un merci tout spécial à Maxime et Sébastien pour avoir accepter de m’accompagner à pédaler.