Jeudi 23 juin (Bordeaux)
En amont de l’itinérance, j’avais essayé de m’organiser pour ne pas (ou peu) avoir à travailler, étant consciente que la fatigue du vélo et des rencontres n’était déjà pas si facile que ça à gérer. Mais vous savez ce que c’est, vous travaillez avec des gens sympas et c’est difficile de dire non et puis le monde ne s’arrête pas parce que j’ai décidé de partir à vélo quelques semaines.
Alors aujourd’hui, journée de travail, j’en profite pour récupérer le retard accumulé et pour écrire la newsletter. Cette dernière me prend près de 4h de travail, entre l’écriture, la mise en page et la publication. Je commence à être plus à l’aise avec l’écriture, mais l’inspiration me vient souvent tard le soir ou tôt le matin, donc pas facile à concilier entre la fatigue et les temps de rencontres.
Quand j’ai cherché les organisations que je voulais rencontrer durant cette itinérance, le nom de Slowfest est souvent revenu, c’est donc tout naturellement que j’ai fait un crochet par le Bordelais pour venir à leurs rencontres (Pour en savoir plus sur ce qui m’a poussé à venir les voir, rendez-vous à la fin du carnet).
Ce soir je retrouve Amandine, elle est musicienne et s’occupe de la coordination de ce collectif de musiciens.ennes (mais pas que), qui expérimentent d’autres manières de penser leur art.
Je la retrouve dans le local de l’association les ami.e.s du Sahel à quelques pas du Pont de Pierre, en plein coeur de Bordeaux. Ce soir, elle joue en duo avec DAWA, à l’occasion du vernissage d’une exposition. Leur crédo, une musique improvisée en acoustique qui mêle instruments de musique, beatbox, chants et percussions en tout genre. Un savant mélange qui amène les musiciennes à faire avec ce qui se joue là, entre elles, suivant leslieux et les spectateurs.
20h30, fin de la première partie du concert, il est malheureusement temps de filer, pour préparer mon pitch pour demain et finir d’écrire la newsletter.
Vendredi 24 juin (Bordeaux)
Ce matin, c’est une rencontre un peu particulière qui m’attend, puisque je participe à une rencontre sur le tourisme responsable organisée par le LABA, en partenariat avec le Tourisme Lab de Nouvelle Aquitaine. Je vais pitcher EVVI Inspiration en anglais, un exercice que je n’ai jamais eu l’occasion de faire surtout en 7 minutes. Face à moi, 5 autres entrepreneuses venues également pitcher ainsi que des acteurs du tourisme venus de 5 pays (ce projet fait partie d’un dispositif Erasmus+). La rencontre se déroule aux Chantiers de la Garonne, un espace en lien avec le lieu Darwin (pour en savoir plus sur ce lieu bordelais https://darwin.camp/), qui se trouve en bord de Garonne, un cadre très chouette pour cette première. Le stress du lancement passé, je prends plaisir à raconter brièvement mon parcours et ce qui m’a amené à lancer mon activité et le projet EVVI Inspiration, avec cette phrase d’accroche « L’éco-cup, c’est bien mais ça suffira pas pour demain ! », je crois que ça va devenir mon slogan pour mes prochaines interventions.

Je dois cette baseline à Séverine qui m’accompagne dans mon développement commercial au sein de la coopérative Oxalis. Depuis 3 mois, je viens re-questionner mes pratiques, mes valeurs et ma vision pour affiner mon positionnement et ce que je vends. Un exercice compliqué mais qui me permet d’assumer de plus en plus mon pas de côté et ma vision un peu décalée. Dans ma perception des choses et du monde, il est pour moi essentiel de venir confronter le modèle (touristique, sportif et culturel) aux enjeux et risques à court et moyen terme, afin d’enclencher des changements profonds dans les organisations que ce soit au niveau de la gouvernance, du modèle économique, des activités proposées et de la raison d’être, sans quoi la chute sera brutale. C’est le message que j’ai essayé de faire passer dans ce pitch de 7 minutes.
A l’issue de ce passage sur scène, des personnes viennent me féliciter pour mon projet et pour les kilomètres que je fais, mais peu viennent me challenger sur ce que j’ai dit, ça m’interroge, est ce que mon pitch a été clair ? Est ce que ma proposition fait sens ? Au-delà de cette petite frustration, j’ai trouvé cette rencontre très chouette et j’ai pu rencontrer d’autres entrepreneurs.neuses dont Olivia qui a créé l’association Bike-packer en Belgique pour valoriser et faciliter le voyage à vélo.
Ce soir, j’anime un atelier pour le collectif Slow Fest autour des questions suivantes : « Comment faire collectif ? Comment se fédérer autour de la vie associative de Slow Fest ? ». Quand j’ai construit cette itinérance, il y avait un élément qui était essentiel, la réciprocité. Pour cette deuxième édition, j’avais fait le choix de rencontrer moins de structures mais de passer plus de temps avec elles, car au-delà de la rencontre pendant l’itinérance je leurdemandais de pouvoir m’entretenir avec 2-3 personnes de chaque organisation. Consciente que le temps est une denrée précieuse, j’avais décidé de proposer en retour un peu de mon temps que ce soit pour être bénévole sur un événement ou mettre mes compétences au service du collectif. C’est comme cela qu’Amandine et David m’ont demandé d’animer un atelier pour réfléchir autour de la vie associative de Slow Fest. J’ai ainsi construit un atelier sur mesure de 2 heures pour permettre de trouver des solutions afin de faciliter l’implication des adhérents.
Après cette journée bien remplie, il est temps de rentrer au QG, en passant sur le pont de Pierre je vois au loin les quais bondés pour la fête du Vin qui se déroule ce weekend à Bordeaux, je continuerai de les regarder de loin…


Samedi 25 juin (Bordeaux)
Je profite d’une matinée pluvieuse pour prendre un peu de repos et revoir des connaissances bordelaises, que je n’ai pas beaucoup l’occasion de voir.
En milieu d’après-midi je retrouve Amandine et David dans leurs locaux pour découvrir le matériel du collectif dont les fameuses sonos solaires.
Pour cette deuxième itinérance, j’ai décidé de réaliser un podcastavec chacune des organisations que je rencontre. Je troc la vidéo pour une bande son, moins énergivore, plus raccord avec mes valeurs et moins lourde dans les sacoches.
Je profite d’être avec Amandine et David pour faire cette premièreinterview et explorer des aspects que j’ai découverts durant les entretiens que j’ai menés en amont de l’itinérance. J’ai notamment été très intéressée par la manière dont les projets naissent, se développent et s’ancrent dans les pratiques du collectif, on pourrait y voir une approche de Design. Comme le dit David, Slow Fest est un laboratoire de transition écologique pour ses adhérents, un lieu d’expérimentation où l’on vient tester de nouvelles manières de faire son métier. On parle également du projet de tournée qui devrait voir le jour en septembre 2023 sur une partie de la région Nouvelle Aquitaine. Une idée qui est dans les tuyaux depuis quelques temps déjà et qui a finalement rencontré son public et ses financeurs. 45 minutes pour découvrir le monde de Slow Fest qui seront disponibles en podcast à l’automne, si tout se passe bien.
Je ne pouvais quitter Bordeaux et le collectif Slow Fest sans voir les sonos solaires en actions. C’est donc en Rosalie (si si c’est vrai !) que nous rallions la fête de la Morue de Bègles, un événement à l’initiative de la Mairie et en partenariat avec les associations de la ville sur toute la partie restauration. Un moment convivial rythmé par les différents concerts dont certains sur la scène solaire, alimentée par le dispositif de Slow Fest. Quoi de mieux qu’une sortie populaire et festive pour clôturer ce break bordelais.

Dimanche 26 juin (Perigueux)
Tôt ce matin, je reprends le train direction Perigueux. Cette escapade bordelaise aura été l’occasion de renforcer certaines de mes convictions, d’en interroger d’autres, mais elle aura principalement permis de nourrir ma curiosité et mon envie de contribuer aux changements de paradigmes à venir.
Ca fait 20 jours que je suis partie de la maison, la fatigue commence à se faire sentir ainsi que le manque du pays. En me lançant dans ce projet d’itinérance, je savais qu’il y aurait des moments plus difficiles et que l’éloignement avec mon conjoint serait pesant. Dans le train pour Perigueux, je suis mi-figue mi-raisin, entre la joie de réaliser cette itinérance et l’envie de rentrer à la maison. Le temps est maussade ce qui n’aide pas à retrouver l’élan. La fatigue est aussi bien présente, l’accumulation des kilomètres, les rencontres, le travail tout ça me prend beaucoup d’énergie et je m’interroge sur la suite du parcours et surtout sur le tracée à suivre pour cette semaine sport qui arrive. Après 4 jours sans vélo, je vais attaquer une semaine avec du dénivelé et beaucoup de kilomètres à parcourir.
Au lieu de broyer du noir seule sous la pluie, j’ai la chance de retrouver Camille et sa famille à Perigueux, de quoi re-motiver les troupes !
Lundi 27 juin (Limoges – Moutier d’Ahun)
Après avoir étudié les cartes, j’ai finalement décidé de prendre le train jusqu’à Limoges et de commencer à rouler depuis la capitale de la porcelaine. Cette semaine, je bifurque vers l’est pour rejoindre la prochaine organisation, je devrais y arriver jeudi soir ou vendredi matin (si tout se passe bien).
Cette semaine me fait un peu peur, par le nombre de kilomètres à parcourir et le dénivelé. Ce qui pourrait me paraître accessible en temps normal, me paraît être un challenge au vue de ma fatigue.
Il est 9h15 quand je donne mes premiers coups de pédales, au programme de cette journée 90 km et 900 m de dénivelés, ce que j’appelle une belle grosse journée. Après avoir quitté les abords de la ville, je retrouve le paysage bucolique et valloné que j’aime tant, de quoi me redonner le sourire et me faire oublier les doutes de la veille. Au long chemin plat des dernières semaines, je retrouve la moyenne montagne sur les contreforts du plateau des millevaches. Je connais peu cette partie de la France, n’ayant jamais eu l’occasion d’y venir en vacances. La tranquillité de cette campagne m’apaise, ça tranche avec la sur-activité de la ville, ici je côtoie plus d’oiseaux, de vaches que de voitures et ça fait du bien. J’adore rouler quand c’est valloné voir montagneux, ça permet de prendre de la hauteur, d’atteindre des points de vues qui s’ouvrent sur des dizaines de kilomètres, ça me motive ! Je sais que derrière chaque montée, il y a un point de vue et une belle descente et ça c’est génial !

Je roule maintenant dans le département de la Creuse, ici les routes sont peu fréquentées, pas besoin de prendre les chemins de traverse. Je tombe sous le charme des villages que je traverse, des paysages verdoyants baignés de lumière. Les kilomètres et les côtes s’enchaînent jusqu’à Bourganeuf, point d’arrêt pour casser la croute avant de parcourir les 30 derniers kilomètres. Les jambes tirent un peu, mais ça vaut amplement l’effort. La partie la plus jolie de cette journée arrive à Pontarion au carrefour entre Ahun et Guéret, je quitte la D941 pour emprunter la D13. Je découvre un petit coin de paradis qui me permet de relier la vallée de la Creuse et Mouthier d’Ahun. Je ne m’attendais pas à ça, une vraie belle surprise…
Ce soir, je pose ma tente dans le jardin de Laurence et Bruno qui surplombe la vallée de la Creuse, un décor idyllique et bucolique. Ils ont opté pour un camping comme à la maison en étant référencé sur le site home camper. C’est assez marrant de voir comme les choses sont bien faites, ils s’avèrent qu’ils sont papetiers artisanaux, ils fabriquent et commercialisent eux-mêmes leurs papiers à la main à partir de matières naturelles comme le chanvre. Une visite de l’atelier me permet de comprendre leur métier et de découvrir un artisanat que je ne connaissais pas. C’est fascinant d’écouter des gens passionnés !
Une journée qui s’achève par un dîner ensoleillé avec vue sur la vallée de la Creuse et sur les contreforts du plateau des Millevaches, what else ?

Mardi 28 juin (Mouthier d’Ahun – Montluçon)
Je quitte Moutier d’Ahun pour continuer ma route vers le Nord-Ouest, direction Montluçon. Pour être totalement transparente, j’avais une image assez mauvaise de la Creuse et de l’Allier. Des départements que finalement je n’avais jamais eu l’occasion de découvrir et je me rends compte à quel point j’ai eu tort. En discutant avec Bruno, j’ai découvert qu’il y avait une vie associative très forte dans cette partie de la Creuse, influencée par un nombre important de personnes souhaitant adopter un mode de vie plus sobre, plus en adéquation avec des valeurs éthiques et responsables.
En continuant ma route, je découve ce qu’on appelle la diagonale du vide, on pourrait se dire vide de quoi ? Vide de pollutions ? Vide de sur-activité de l’homme ? Vide d’animaux ? Vide de nature ? Bref vous me voyez venir, le vide des uns fait le bonheur des autres. Certes ici il n’y a pas un cinéma à tous les coins de rue et pour faire du shopping on doit faire plusieurs dizaines de kilomètres, mais est-ce vraiment grave d’avoir des zones vides de ces artefacts ? La question est ouverte. Je ne veux pas venter les campagnes car elles ont aussi leurs points faibles et leurs axes d’améliorations, mais je demande juste à considérer ces territoires de manières différentse, pour arrêter de les voir comme des territoires à l’agonie, sans vie comme des déserts.
Après avoir roulé en Creuse, je rentre dans le département de l’Allier. Je connais ce département par le seul prisme de ma fenêtre de voiture quand je rentre dans l’Ouest de la France et que je roule sur la RCEA, la Route Centre Europe Atlantique. Une route pas très sympathique où on roule à la queueleuleu à 70km pendant 2 heures sans possibilité de doubler, autant vous dire que c’est plus facile de s’endormir que de s’émerveiller du paysage. J’avais donc un apriori assez important sur ce département et je dois avouer que je le regrette. Le traverser à vélo m’a permis d’apprécier ses paysages escarpés et vallonés, il n’a peut-être pas le charme de la Dordogne ou du Lot, mais il n’a pas non plus à se cacher.
Aujourd’hui c’est une petite journée, en arrivant au camping de Montluçon où je m’arrête pour la nuit, le compteur indique 65 km, ça fait du bien aussi de rouler moins, ça me permet de prendre du temps pour répondre aux e-mails et écrire la newsletter.
J’ai croisé peu de cyclotouristes depuis mon départ de Limoges, ce n’est pas encore la période la plus dense pour ce type de séjour et il faut bien avouer que la majorité des pratiquants roulent sur les grands itinéraires.

Mercredi 29 juin (Montluçon – Decize)
10h15 premiers coups de pédales, un rendez-vous m’a amené à prendre la route plus tardivement qu’à l’habitude, ça fait partie du jeu et ça en valait la chandelle.
Pour sortir de Montluçon et éviter d’approcher la RCEA, je prends des routes de traverses, certes qui me rallongent, mais qui ont l’avantage de me faire découvrir le haut bocage de l’Allier. Je passe de petit village en petit village avec des points de vue qui me permettent de distinguer les massifs montagneux plus lointains. Ici je ne suis pas embêtée par le trafic routier, pour la première fois je me fais dépasser par un cyclotouriste qui voyage en bike packing, c’est à dire avec un chargement très léger et un vélo proche des modèles de course. Une pratique qui se développe beaucoup depuis quelques années et qui est appelée dans le milieu le Gravel. Il est plutôt pratiquer par des personnes qui ont l’habitude de faire du vélo de route et qui veulent voyager léger et longtemps. De nombreux événements se développent autour de cette pratique comme Across France ou la Transcontinental race (https://www.transcontinental.cc/), le premier événement européen à développer ce concept créé outre Atlantique.
Aujourd’hui, je ne sais pas encore où je vais poser ma tente pour la nuit, j’ai repéré un camping à 85 km mais je ne sais pas si je vais y aller ou pas. J’enchaîne les kilomètres et pour la première fois je ne fais pas de longue pause déjeuner, j’opte pour des ravitaillements plus simples et plus réguliers, je dois avouer que ce format me va mieux et j’évite le coup de barre post déjeuner qui coupe les pattes.
Je bois beaucoup d’eau, près de 2 litres, le soleil brille de nouveau et les températures ont passé la barre des 25 degrés.
Il est 15h quand je traverse la rivière de l’Allier, le camping que j’avais repéré est à une dizaine de kilomètres soit un peu plus de 30 minutes à vélo. Je me sens encore en forme et je n’ai pas spécialement envie de poser ma tente tout de suite, en regardant l’itinéraire je me rends compte que Decize l’autre point de chute possible est à 25 km et que le relief est assez clément pour envisager de faire la route.
Partie dans mon élan, je m’engage vers Decize au bord de la Loire, ce qui m’amènera à passer la barre des 110 km.
Le paysage de cette dernière partie est moins bucolique, je retrouve des routes peu ombragées le long de grandes cultures, un petit air de Charente-Maritime… Au détour d’une route je traverse une forêt sur plusieurs kilomètres, un vrai bonheur en cette chaude fin d’après-midi. Je roule les 5 derniers kilomètres au mental, surtout pour la dernière bosse, celle qui fait mal aux jambes et au moral, mais quelle fierté d’avoir atteint Decize et les bords de Loire.
Je suis déjà passée par ici en 2017 quand j’ai réalisé mon premier long voyage à vélo, 3 mois à parcourir une petite partie de l’Europe en solo, 4000 km pour reprendre confiance en moi et sortir d’un épisode de Burn out. Pour en savoir plus sur ce voyage vous pouvez lire mon résumé ici.
Il est 17h30 quand je commence à monter ma tente, je ne suis pas la seule, puisque ce village de la Nièvre est une étape de l’Eurovélo 6, un itinéraire très connu dans le monde cyclotourisme. Nous sommes 7 ce soir à planter la tente, je rencontre des allemands, un anglais et un néerlandais, ils vont chacun à leurs rythmes dans des directions différentes. En juin les principaux cyclotouristes sont des personnes à la retraite, des hommes seuls ou des couples. On croise beaucoup d’allemands et de néerlandais qui sont des pratiquants de longue date. Leurs pays respectifs sont beaucoup mieux aménagés que le nôtre et la culture du vélo y est plus développée.

Ce soir je ne veille pas, la journée à été longue et la fatigue se fait sentir, il est 21h quand le sommeil m’emporte. Demain, dernière journée à pédaler avant de retrouver la 4ème organisation de cette itinérance. La suite dans le prochain carnet !